« Non monsieur, je refuse que vous rentiez dans mon bar ! »
« Mais pourquoi, bon sang !? »
« Parce que vous êtes un désaxé ! »
« Et alors !? »
« Qui dit désaxé dit emmerdes en perspective ! »
« FASCISTE ! »
« Bon allez, dégagez ! »
« Comme si j’allais rester dans votre bar de fachos ! »

La porte claqua, et Nathaniel quitta la rue à grands pas, grommelant des insultes à voix basse. Comment il était arrivé là, déjà ? Ah oui, Ambre – sa super petite sœur de la mort qui tue tellement elle gère trop des masses – l’avait appelé dans la matinée pour lui demander de le rejoindre à un bar, histoire qu’elle lui refourgue le sac de fringues qu’elle lui avait proposé de rafistoler, parce que vous comprenez, les vêtements, ça finit par s’abîmer, et quand on a pas des masses d’argent, c’est cool d’avoir une petite sœur styliste. Ils avaient donc conclu qu’ils se rejoindraient vers quatorze heures dans un bar qu’elle fréquentait de temps à autre et qu’elle affirmait sympa, bien que l’ambiance y soit assez merdique. C’est marrant, d’un coup, il comprenait un peu mieux ce qu’elle avait voulu dire par merdique, en fait. Enfin bref, maugréant, il songea qu’il devrait passer chez sa sœur pour récupérer ses fringues et admirer ses nouvelles créations, en espérant qu’il trouverait un joli tee-shirt qui lui plairait. Bah oui, vous savez, elle assure tellement, Ambre, qu’elle fait de tout et même des fringues punks qui ravissent son frère aîné et adoré. Enfin bref, de mauvaise humeur, traînant des pieds, Nathaniel quitta la petite rue en se retenant d’hurler. Ah, mais bon sang, ce que ça pouvait l’énerver, cette situation ! Parce qu’il était désaxé, il n’avait pas le droit d’entrer dans ce bar ? Donnant un grand coup de pied dans une canette vide qui traînait dans le caniveau, il enfonça ses mains dans ses poches et quitta la ruelle. Tout ça parce qu’il était punk désaxé. Parce que pour cet homme, il n’était pas ‘normal’. Et le jour où on l’empêcherait de rentrer là où Eryn travaillait ? Le jour où on l’empêcherait d’aller promener Fenrir ? Où on l’empêcherait d’entrer dans son propre immeuble ? Grommelant, Nathaniel sortit une cigarette et un briquet – sale réflexe, ouais, mais réflexe quand même -, et alluma sa clope avant de tirer une longue taffe. Il souffla, observant un instant la fumée qui s’envolait par cercles concentriques, puis se remit en marche. Fatigué. Irrité. Il s’était encore levé à l’aube pour aller travailler, et avait passé la matinée à tatouer des bras, des dos et des mollets. Il avait encore eut du mal à sortir un Fenrir trop plein d’énergie sans se faire larguer. Il avait encore mangé en vitesse et presque pas. Et voilà que cet abruti de barman refusait de le laisser entrer !? Bon sang mais où allait le monde !

Ce fut en fulminant qu’il se mit à traînasser dans les rues du quartier punk qu’il habitait avec Eryn. Et en fulminant tout autant qu’il aperçut un groupe de gamins qui braillaient au milieu d’une ruelle, l’empêchant de passer. Ah ouais, vraiment ? Vous vous voyez, à dix ans, essayer de barrer le chemin à un type d’un mètre quatre-vingt, l’air pas gentil du tout, qui porte un bracelet à longues piques, des Doc Martens et qui se ballade en tee-shirt en plein hiver, ce qui laisse voir tous ses jolis tatouages sur les épaules ? Oui, en tee-shirt, Nathaniel est un nounours molaire – vous savez, une petite dent toute blanche qui grogne quand on s’approche trop de sa copine la marmotte – et il ne craint pas le froid. La chance. Il se racla légèrement la gorge en parcourant la cinquantaine de mètres qui le séparaient des gamins, regrettant tout à coup de ne pas avoir emmené Fenrir. En général, la simple vue du molosse suffisait à faire fuir ceux qui pouvaient avoir envie d’emmerder le grand punk. Mais là, il allait se démerder tout seul. Bah, tant pis, il était pro dans la matière. Arrivant près du groupe, il réalisa alors que les gamins étaient autour d’une petite fille, qu’ils insultaient et poussaient en criant. Petite enfant persécutée par ses camarades ? Hum, mais qui est-ce que ça nous rappelle, tiens ? Un Nathaniel emmerdé parce qu’il avait un visage un peu trop féminin, une Ambre embêtée sous prétexte que son frère était un désaxé et qu’elle n’avait pas sa langue dans sa poche et une Eryn martyrisée à cause de sa famille et de son caractère ? Pris d’un soudain élan de sympathie envers la petite, Nathaniel se racla à nouveau la gorge, faisant se retourner un gamin. L’air surpris, puis inquiet, ledit gamin tapa l’épaule de son voisin. Qui regarda derrière lui, et tapa l’épaule de celui d’à côté. Et ainsi de suite. Lorsque la plupart se furent tournés vers Nathaniel, celui-ci leur fit un grand sourire carnassier – le genre de rictus qui ferait rager de jalousie un certain chat rose ou bleu, ça dépends des versions – et prit la parole.

« Le prochain qui l’emmerde, je lui explosa sa gueule. Vu ? »

Il y eut un silence, puis l’un des jeunes lâcha un ‘vu … monsieur …’ avant de détaler avec ses copains. Leur jetant à peine un regard, Nathaniel s’approcha de la petite.

« Ca va, ils ne t’ont pas fait mal ? Je m’appelle Nathaniel. »

"Quoi, tu vas pas en ville avec nous ?"
"Ouais,en plus, y'a des habits géniaux à voler !J'ai vue des basquettes trop belles, hier !Dommage, le magasin était fermé..."
"Monsieur ne sait pas casser de vitre..."
"La ferme, gothique !"

Sous l'insulte de Senna, Jeannine se mit à pleurnicher en prononçant l'une des phrases qu'elle disait très souvent :

"Chui pas gothiiiiique !"

Avant que de la morve dégouline de son petit nez d'enfant, et que ses jolis yeux bleus deviennent chute du niagara.Shina venait de refuser leur invitation, enfin plutôt elle venait de dire qu'elle ne pouvait pas faire son activité quotidienne aujourd'hui.

"J'suis fatiguée, papa était bourré, et j'ai dormi dehors..."
"Ce sont...Les p'tis corcs mitaines ?"

Shina aquieça.C'était comme ça que Jeannine surnommait les insectes qui vivaient dans la chambre de Shina Yume.Les p'tits crocs mitaines.La veille, ils l'avaient attaqués, voulant soudainement s'approprié le territoire.Elle avait du sortir et dormir dehors.De plus, son père, désespéré car il ne trouvait jamais de travail malgrés toutes ses recherches, s'était remis à picoler.Elle n'aimait pas voir son père dans cet état, et c'était aussi pour se ceci qu'elle avait préférée dormir dehors plutôt qu'au salon.Quant à la chambre de sa mère, désormais vide, elle n'avait pas le courage d'y pénétrer, bien trop triste et perdue face au départ de celle-ci.Elle regarda ses deux amis, et reprit :

"Il est où, Jim ?"
"Sa mère, bah elle est malade, et ça s'empire pas mal.Il reste avec elle pour lui tenir compagnie.Me demande si il va s'en remettre, si elle..."Répliqua Senna.

Il ne termina pas sa phrase.Tout les enfants du quartiers aimaiet la mère de Jim.Elle était gentille, les soignait après des bagarres, s'occupaient d'eux comme si ils étaient ses enfants.Elle venait de temps en temps leur offrir des biscuits, même si cela dépendait de sa survie, et les écoutait tous, leur raconté le soir des histoires avant de dire :

"Rentrez chez-vous, mes cocos, il est bien tard !"

La laissant dans ses souvenirs, Senna et Jeannine partirent voler.Pour leur survie, et non pour leur grand plaisir.Comme si ils aimaient voler, cette petite bande.Cela leur donnait une mauvaise réputation, une mauvaise vue des gens.Ce qu'ils désiraient, c'était vivre dans une belle maison, au chaud, et de pouvoir s'amuser tranquillement.Comme tous les enfants, d'ailleurs.Mais ils ne pouvaient pas, et le pourraient peut-être jamais.
Shina Yume décida de marcher en ville,ne sachant que faire.Alors elle fit le tour complets des lieux malfamés de la ville, passa par l'école et la fixa.Elle voulait tellement y entrer !Mais le directeurs de cet établissement l'avait refusé, en disant qu'elle allait transmettre des maladies et qu'elle était surtout destinée à devenir une axée, et ce depuis sa naissance, quand elle est arrivée dans ces horribles quartiers salles.Mais il y avait aussi, dans cet école, des ennemis potentiels.
Il n'y avait pas que des guerres entre fan de hip hop, fashions, gothiques et punks, voir autres...Il y avait aussi des guerres entre enfants éduqués et enfants mal éduqués.Le système était simple : si un enfant était scolarisé, il était un enfant éduqué, sinon, il était mal éduqué.Et, bien sur, les enfants édqués se la frimé bien car ils connaissaient plus de choses que les enfants mal éduqués.Et ceux-ci voulaient prouvés aux enfants scolarisés qu'ils étaient débrouillards et que l'école ne servait à rien.Alors une guerre s'était déclarée entre les enfants.
Shina Yume y repensait en retournant vers la meilleure source de nourriture et d'objets : les ordures.Il y en avait partout, et c'était ouvert à tout le monde.Personne n'était là pour vous dire que c'était interdit, étant donné que si les gens jetaient leurs affaires, c'était qu'ils n'en avaient plus besoin.Alors la petite fille commença à fouiller dans les ordures, bien profondément, cherchant chaque chose utile.Elle tomba alors sur un paquet de chips intact.Ses yeux s'illuminèrent : cela servait à quelque chose, de fouiller aux ordures !

"Touches pas à mes chips, gros rat.Je reconnais la marque que j'ai laissée dessus !"

"Je savais que ça attirait les rats, mais pas d'aussi gros !"

La filette leva la tête, énervée, et vit un groupe d'enfants d'une dizaine d'année.L'un d'eux lança une pièrre sur la grande benne à ordure, et cela fit tombé Shina avec un cri.Heureusement elle tomba sur le postérieur, sous les ricannements des enfants éduqués.Contrairement à elle, ils étaient propres, et vivaient au chaud, mangeaient ce qu'ils voulaient.Mais ils abusaient de ce magnifique privilège, et surtout, étaient éduqués, mais ne prenaient pas au sérieux ce qu'ils apprenaient.

"Oh, et puis je m'en fout, de mes chips.Mais si tu les gardes, c'est que t'es une véritable ordure."

Shina Yume ne lâcha pas le paquet de chips, pensant plus à sa survie qu'à sa fierté.Elle essaya de ne pas calculer les raillements des enfants, mais ils entraient dans sa tête.Elle lâcha alors une liste d'insultes qui fit marrer les uns, et d'autres s'énervèrent, se sentant étrangement visé.

"Tu parles, mais t'es qu'une future prostituée, et puis je te paierai !"

"Ouais, en plus son père est un alcolo !Sa mère, personne ne sait ce qu'elle est devenue !Tu sais où elle est, ta mère ?"

La fillette sanglota en serrant son petit paquet de chips, et les enfants ricannèrent.Puis ils commencèrent à l'encercler, et l'un d'eux la poussa en s'écriant qu'elle était une clocharde.L'autre la poussa vers un troisième enfant en l'insultant de plus belle.Et ce fut ainsi de suite pour la fillette, qui avait arrêtée de pleurer et faisait un grand vide dans sa tête.Puis elle entendit un racclement de gorge volontairement bruillant, qui fit tourner l'un des enfants.Celui-ci fit un signe à son copain, son copain fit signe à un autre, faisant ainsi un téléphone arabe.

« Le prochain qui l’emmerde, je lui explose sa gueule. Vu ? »Dit un jeune homme.

Il y eut un blanc, et le leader du groupe murmura des mots presque imperceptible avant de se casser avec son groupe de copains éduqués.Shina se sentit libérée par ce silence soudain, et refit le vide.Elle commença à relâcher sa pression sur le paquet de chips, et celui-ci se détendit doucement.

« Ca va, ils ne t’ont pas fait mal ? Je m’appelle Nathaniel. »

Elle leva la tête et vit un jeune homme, apparament un punk, qui se baladait en t-sheert.Pendant quelques secondes, elle se demandit comment faisait-t-il pour ne pas avoir froid, en se promenant ainsi.Sur ses bras musclés apparaissaient mille tatouages.Qui sait, peut-être en avait-t-il sous le t-sheert, ce qui étonna encore plus la fillette.Elle se remit de ses émotions, qui étaient toujours bien fort, et répliqua :

"Je m'appelle Shina Yume."

Pour la suite, elle se demandit quelques instants si il parlait de son mal interieur ou de son mal exterieur.Exterieurement, elle n'avait rien, mais interieurement, elle souffrait mais gardait toujours le sourire.C'était ce que tous les enfants avaient et que les adultes n'avaient pas : une joie infinie.Les enfants ne se rendaient pas réellement compte de l'étendue des différences entre les gens, tandis que les adultes calculaient tellement qu'ils finissaient par en déprimé.Elle finit par opter pour son mal exterieur et répondit :

"Je vais bien...Merci de m'avoir aider."